Cornalin : Diva capricieuse aux allures de star.

De préférence, je vais à Zermatt pour les vacances de ski. La célèbre station, avec son Cervin encore plus célèbre, offre des descentes variées – et de beaux refuges de ski avec une excellente gastronomie. Le repas ou l’apéritif est toujours accompagné d’un bon verre de vin, valaisan bien sûr. Il faut faire preuve d’autant de patriotisme !

Personne ne doit mourir de soif, car la plus grande région viticole de Suisse offre une large palette de crus de styles différents parmi une multitude de variétés connues et de représentants exotiques. Le Cornalin, le plus ancien cépage valaisan, est toujours à mon menu. On dit qu’elle y était déjà présente au 14e siècle, mais sous le nom de Rouge du Pays. Le nom historique a perduré jusque dans les années 70 du XXe siècle, mais a ensuite été délibérément rebaptisé Cornalin. Il s’agissait probablement d’une variété qui avait une bonne réputation et qui était déjà connue dans le Val d’Aoste voisin. Les deux variétés n’ont cependant rien à voir l’une avec l’autre, d’autant plus que le Cornalin « italien » est appelé Humagne rouge en Valais. Tout à fait déroutant !

Le vétéran valaisan est aujourd’hui bien établi, bien qu’il ait failli disparaître au milieu du XXe siècle. Pour des raisons compréhensibles : Le Cornalin est capricieux dans sa production, mûrit tardivement et donne des rendements irréguliers. De nombreux viticulteurs ont alors préféré jouer la carte de la sécurité et se sont tournés vers des cépages plus attrayants, offrant une certaine sécurité et répondant mieux aux goûts du grand public. C’est grâce à sa ténacité, à sa patience et sans doute à une certaine dose d’entêtement valaisan que la diva rouge peut heureusement encore être appréciée aujourd’hui.

Le Cornalin peut être conservé longtemps sans problème. Mais il y a aussi l’autre côté de la variété. Si le temps n’est pas de la partie et que la variété est plantée dans des vignobles peu adaptés, le vin peut être assez rustique, peu harmonieux et trop acide. Mais si tous les paramètres sont réunis, le mimosa rouge donne des vins charismatiques et pleins de tension. Ils se caractérisent par des arômes fruités de cerise noire, des notes épicées de clou de girofle, de la puissance, des tanins denses et soyeux, de la structure et de la complexité. Après un certain temps de maturation, le vin devient plus distingué, plus fin et convient parfaitement pour accompagner les plats de viande et de gibier.

La question de savoir si le Cornalin ou justement le Rouge de Pays, par ailleurs un croisement naturel entre le Petit rouge et le Mayolet de la Vallée d’Aoste, doit être élevé ou non en barrique est une question de style et de goût. En partie, le petit fût de bois est délibérément utilisé, avec une faible proportion de bois neuf. Trop de fûts neufs feraient disparaître le fruit et la finesse. D’autres producteurs optent délibérément pour un élevage en cuve d’acier afin d’accentuer le caractère fruité du vin. Parmi eux, la maison Albert Mathier & Fils, qui produit un Cornalin aromatiquement complexe, avec d’élégantes notes fruitées, de la puissance, de l’élégance et une bonne longueur. Le fougueux 2018 dégage beaucoup de chaleur et d’équilibre.

Le Cornalin est et reste pour l’instant un secret de polichinelle, bien qu’il ait l’étoffe d’un grand vin. En Valais, la surface viticole a certes connu une croissance constante au cours des dernières années, mais elle reste comparativement modeste, avec environ 150 hectares. Même en dehors du canton, le vin est peu proposé. Je suis convaincu qu’il est possible de marquer des points non seulement dans son propre pays, mais aussi à l’étranger. Mais c’est un autre problème, car les exportations totales de vins suisses ne représentent toujours pas plus de 1%. Il faudrait sans doute augmenter massivement les efforts de marketing. Mais la gastronomie, notamment les restaurants plus ambitieux, serait également un bon multiplicateur pour faire connaître le vin et mieux le commercialiser – pas seulement les temples de la gastronomie sur les pistes de ski de Zermatt.

Peter Keller est rédacteur en chef du journal NZZ am Sonntag et organise régulièrement des séminaires sur le vin pour les lecteurs. L’académicien du vin travaille également pour le club de vin Coop Mondovino, où il sélectionne des trouvailles exceptionnelles pour l’assortiment de vins rares.